Les Tropéziens et la marine de guerre

Saint-Tropez et ses illustres enfants : les officiers

Pour bien comprendre la présence d'officiers tropéziens au service de I'Etat, nous devons décrire le système de recrutement et distinguer la période d'Ancien Régime, c'est-à-dire, la Royauté avant la Révolution et la période qui débute en1789.

Sous l'Ancien Régime, seuls les nobles pouvaient devenir officiers. Ils débutaient leur carrière comme garde-marine, avant de devenir enseigne de vaisseau, puis lieutenant de vaisseau et enfin capitaine de vaisseau.

Le capitaine de vaisseau qui avait commandé à ce grade une division (au moins trois vaisseaux ou frégates) pouvait devenir chef d'escadre.

Parmi les chefs d'escadre on désignait les lieutenants généraux des armées navales.

Et parmi ces lieutenants généraux, on désignait les vice-amiraux.

Les roturiers pouvaient quant à eux au plus, devenir officiers mariniers autrement dit sous-officiers.

Toutefois, lorsqu'une guerre éclatait, le Roi, devait augmenter le nombre des bâtiments à la mer. Afin de pallier le manque d'officiers, il délivrait à certains capitaines marchands volontaires ou levés (réquisitionnés) le grade de lieutenant de vaisseau auxiliaire. Ce grade obtenu par commission n'était valable que la durée du conflit. Toutefois, il pouvait être conservé par le capitaine pour action d'éclat. Les corsaires pouvaient également le recevoir.

Les nobles présents à Saint-Tropez et plus largement dans le golfe ne firent pas tous carrière dans la Marine. Citons toutefois dans la famille De Cœur, qui possédait la seigneurie de Cogolin, Jacques, chef d'escadre dans la Marine de Louis XIV et Jacques Philippe, capitaine de vaisseau, guillotiné à Grasse pendant la Révolution. La famille Audibert (de Ramatuelle) donna un capitaine de vaisseau qui resta dans la Marine sous la Révolution et l'Empire. Audibert fut maire de Saint-Tropez de 1822 à 1830. Enfin, Pierre André de Suffren de Saint-Tropez devint - fait exceptionnel - amiral à la fin de sa vie, en récompense de sa glorieuse campagne des Indes. Les Suffren portaient le nom de Saint-Tropez depuis que le grand-père du Bailli avait acquis une partie de la seigneurie au début du XVIIIème siècle.

Lorsque la Révolution éclata, de nombreux nobles et par conséquent, de nombreux officiers de Marine, émigrèrent à l'étranger, parfois dès 1789 (famille Suffren par exemple). Pour pallier le vide qui se créait et par principe d'égalité, les roturiers purent enfin devenir officiers. Par décret, tous les capitaines marchands devinrent enseigne de vaisseau non entretenu. En cas de besoin, ils pouvaient à ce grade gagner leur affectation sur les bâtiments de la République. Ils devenaient ainsi enseigne de vaisseau entretenu (c'est-à-dire, rétribué par l'Etat). Ainsi de nombreux capitaines de navires marchands entamèrent une nouvelle carrière.

A Saint-Tropez, de nombreux capitaines passèrent au service de l'Etat. Ce choix s'expliquait d'autant mieux que la guerre et la présence anglaise en Méditerranée diminuaient singulièrement la possibilité de faire du commerce sans se faire capturer par l'ennemi. La famille Guérin par exemple, vit deux de ses marins faire carrière dans la Marine de l'Etat: Paul devint capitaine de frégate et Pierre Augustin termina sa carrière comme lieutenant de vaisseau. Un troisième frère Donat, choisit d'émigrer. A la Restauration il reprit du service et termina sa carrière comme capitaine de frégate. Augustin Meiffret devint lieutenant de vaisseau. Il se distingua tout particulièrement dans l'Océan Indien entre 1808 et 1810.

Quatre marins tropéziens eurent des carrières particulièrement remarquables sous la Révolution et l'Empire. Les deux plus connus sont sans aucun doute Jean-Baptiste Sibille et Charles Tropez Guichard. Sibille qui devint capitaine de vaisseau, fut le premier marin à recevoir des pistolets d'honneur par Bonaparte Premier Consul, pour ses actes durant la deuxième campagne d'italie. Il mourut en 1810 à Naples dans les bras d'Audibert Ramatuelle. Le second, Charles Tropez Guichard, devint capitaine de frégate. Il décéda à Trafalgar en 1805 après avoir pris le commandement du vaisseau le Berwick après que son supérieur ait été tué. Quant aux deux autres, les frères Trullet, Léonce et Thimothé, ils devinrent capitaines de vaisseaux respectivement en 1793 et 1795 et servirent I'Etat plus de 40 ans. 

Noms

Grade en fin de carrière

date de décès

SIBILLE Jean Baptiste

capitaine de vaisseau

1810

TRULLET Léonce

capitaine de vaisseau

1827

TRULLET Thimothé

capitaine de vaisseau

1819

GUICHARD Charles Tropez

capitaine de frégate

1805

GUERIN Paul

capitaine de frégate

1836

GUERIN Donat

capitaine de frégate

?

BARLET Louis Alexandre

lieutenant de vaisseau

après 1851

CARTIER Pierre

lieutenant de vaisseau

après 1851

GIRAUD Joseph Alphonse

lieutenant de vaisseau

après 1851

GIRAUD Antoine

lieutenant de vaisseau

après 1851

HERIES Richard Ignace

lieutenant de vaisseau

après 1861

BAUDE Augustin Victor

lieutenant de vaisseau

?

BAUDE Charles-Magloire

lieutenant de vaisseau

?

GUERIN Pierre Augustin

lieutenant de vaisseau

1852

RICHE Charles Thomas

lieutenant de vaisseau

1849

SALVY Jean-François

lieutenant de vaisseau

1845

TEISSEIRE Pierre

lieutenant de vaisseau

1842

PEROU Antoine Barthélémy

enseigne de vaisseau

?

LANGE Nicolas

enseigne de vaisseau

?

SALESSE Charles

enseigne de vaisseau

?

HERMIEUX Charles

lieutenant de frégate

1837

 

Cette liste non exhaustive est révélatrice d'un certain comportement. Si l'on observe attentivement les dates de décès, l'on constate que tous ces officiers naviguèrent entre la fin du XVIIIème siècle et les années 1850. Ceci pourrait s'expliquer par le fait que les tropéziens n'ont pas vocation particulière à faire carrière dans la Marine de Guerre. Les premières carrières comme officiers débutent pendant la Révolution. Ces premiers officiers et la guerre sont à l'origine des carrières de la génération suivante. Les plus jeunes pouvant être attirés par l'exemple des aînés. Mais, par la suite, la paix aidant, c'est le commerce qui reprend le dessus, activité pratiquée par nos marins depuis le XVIème siècle.